LUTTER CONTRE LES NAUFRAGES

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Une conférence de Vincent Guigueno

Dans le cadre de l’exposition « Terre en Vue », Vincent Guigueno, spécialiste des Phares et balises, membre de l’Académie de Marine, a donné le 20 août 2023, au théâtre G. Madec, une conférence sur la lutte contre les naufrages.

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Vincent Guigueno sur la scène du théâtre Georges Madec va ouvrir sa conférence sur la lutte contre les naufrages

Après un rappel sur l’importance de ces tragédies dans l’imaginaire collectif – tant dans la littérature, la peinture du XIXe siècle (William Turner, Louis Garneray ou Théodore Géricault pour n’en citer que quelques-uns) qu’au cinéma où tout était fait pour émouvoir le public quant au triste sort des victimes – le conférencier a abordé les trois politiques historiques visant à diminuer les risques.

En premier lieu, la cartographie : les magnifiques portulans du Moyen Âge n’étaient pas faits pour être utilisés en mer. Avec les progrès scientifiques qui permettent au XVIIIe siècle de mieux évaluer vitesse et position des navires, les cartes se font de plus en plus précises. Un temps monopole des Hollandais, ce sont les Français qui obtiendront les meilleurs résultats avec les relevés méticuleux de Charles-François Beautemps-Beaupré. Ce dernier avait été chargé de reconnaitre toutes les côtes de France, travail qui aboutira à la publication du Pilote Français entre 1823 et 1844.

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Levé hydrographique dans le Goulet de Brest pour l’établissement du Pilote Français (1823)

Mais comment être tout à fait sûr du point sur lequel le navire va atterrir ? Quelques feux remarquables ont marqué l’histoire : le phare d’Alexandrie, celui de Cordouan en Gironde (1611), Bell Rock Light en Écosse (1819) mais ils étaient totalement isolés. En 1800, la France, très en retard sur l’Angleterre, ne disposait que d’une quinzaine de phares. En 1811, est créée la Commission des Phares de France, qui propose en 1825 une nouvelle politique ambitieuse, consistant à développer un réseau d’une cinquantaine de grands phares tout au long des côtes. Les innovations scientifiques (la lentille de Fresnel est généralisée, les lampes à huile sont améliorées) allongent grandement la portée des feux qui seront bientôt dotés d’une signature lumineuse propre à chacun d’entre eux et répertoriée dans les documents nautiques (aujourd’hui les ouvrages du SHOM ou l’Almanach du Marin Breton) permettant de les identifier depuis le large. Notons que le gardien du phare n’avait, pendant longtemps, pas les moyens de communiquer avec les navires et restait un témoin impuissant des naufrages.

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Le vieux phare de Penmarc’h (au centre) qui mesure 38m a été allumé le 20 novembre 1835

D’où les tentatives d’organisation du sauvetage, toujours plus nombreuses depuis le milieu du XIXe siècle. À la suite de naufrages dramatiques (ceux de l’Amphitrite à Boulogne en 1833 et de la Sémillante en Corse en 1855) La Société Centrale de Sauvetage des Naufragés fédère quelques initiatives locales en 1865. Vingt stations sont rapidement construites mais autant le service des phares est sous le contrôle de l’État, autant le sauvetage reste une entreprise privée, ne survivant que grâce au bénévolat de ses acteurs et à la générosité des donateurs. Sa fusion, en 1967, avec les Hospitaliers Sauveteurs Bretons fait naitre la Société Nationale de Sauvetage en Mer que l’on connait aujourd’hui.

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Le Canot n°7 affecté en 1865 à la station SCSN d’Audierne était mis à l’eau au plus près du lieu du naufrage

En même temps était apparue la nécessité de pouvoir entrer en contact avec les équipages en cas de danger. Les communications radioélectriques se développent partout, dans les passerelles, les stations spécialisées, les organisations de secours et jusque dans les phares. Les CROSS sont créés en 1966/1967. Ces derniers sont les coordinateurs des sauvetages quelque soit la taille du navire. Cinq d’entre eux surveillent les côtes de la métropole, deux celles des Antilles et de la Réunion, plus ceux de Nouméa et Tahiti.

1978, le grand tournant : la catastrophe du pétrolier Amoco Cadiz à Portsall va élargir les compétences des CROSS. Il ne suffit plus de protéger les hommes, il importe également de sauvegarder la mer, les côtes, tout l’environnement marin, des dangers de la pollution. Pour réduire les risques d’accidents, il faut contraindre les navires dangereux à accepter de l’aide en cas de problème ; il faut canaliser la circulation des navires dans les zones resserrées, dans des « rails » montants et descendants. Les technologies les plus modernes sont sollicitées : veille et transmissions radio, radars, réseau satellitaire et capteurs AIS (Automatic Identification System qui localise tous les navires en temps réel).

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Le trafic en Manche vu par l’AIS à un moment T (Source : http://www.marinetraffic.com)

Mais l’AIS ne fonctionne que si les navigateurs veulent bien l’utiliser ; or les passeurs de migrants d’aujourd’hui font tout pour rester invisibles des autorités et fuient le système AIS pourtant rendu obligatoire en 2004, compliquant ainsi la tâche des sauveteurs en cas de naufrage et causant ainsi la mort de nombreux êtres humains.

Rappel indispensable, pour contacter le CROSS : canal 16 sur une VHF, 196 sur un téléphone.