Jean-Pierre Abraham

L’important n’est pas de réussir dans la vie, mais de réussir sa vie.

Jean-Pierre Abraham naît en 1936, à Nantes. Fils de famille plutôt aisée d’Hennebont, il évolue dans un univers culturel porteur et se passionne très tôt pour la littérature et le monde maritime. Il s’amarine avec son père dans les parages de Quiberon.

Son milieu, sa sensibilité et de solides études orientent son itinéraire intellectuel vers les penseurs catholiques français du 20e siècle. Il est influencé par Mounier et le personnalisme, la revue Esprit, Max Jacob. Il rencontre et fréquente quelques figures du milieu littéraire parisien, Paul Flamand, directeur des éditions du Seuil, Henri Thomas, auteur aux éditions Gallimard, André Dhôtel (prix Fémina), Jean Cayrol (prix Renaudot et prix Goncourt), directeur littéraire au Seuil. Tous le confirment dans sa passion pour l’écriture. Il s’y essaie et se fait remarquer après la publication à 20 ans d’un premier récit, le Vent, salué par Claude Mauriac, critique au Figaro littéraire.

Mais en 1956, il se remet profondément en cause, rompt brutalement avec le milieu universitaire et s’engage dans un projet de vie consacrée à l’écriture.

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photo : J-M Alline

Pendant son service national, Jean-Pierre Abraham navigue sur un dragueur de mines, en Iroise et jusqu’au Maroc. Il découvre ainsi l’Armen et l’île de Sein. Un choc. « C’est là que je voulais aller, dans cette chandelle qui sort de l’eau, c’est aberrant » écrira-t-il. Et sa vie bascule.

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(collection Bernard Lemaistre)

Il entre pour deux ans à l’école des Phares et Balises et devient gardien du phare Armen. Il consacre ses temps de veille et de repos à l’écriture. Il se lie en particulier avec Fine et Henri Le Gall, patron de la Velléda, bateau ravitailleur des Phares et Balises, et un couple vivant sur l’île : Yves Le Moal-dit-Marion, artiste peintre, et sa femme Marie-Thérèse, institutrice.

Le 19 décembre 1962, le gardien-écrivain est révélé au public, par l’émission Les Coulisses de l’Exploit de Raymond Marcillac, filmée par Jean Pradinas.

Marié, il devient rédacteur-attaché de presse aux éditions Robert Morel, en Haute Provence. C’est là que naissent ses deux premiers fils, et qu’il écrit Armen. Il correspond avec René Char et André Dhôtel. Son attachement à la Bretagne et au monde maritime l’incite alors au retour.

Grâce à Philippe et Hélène Viannay, il devient alors gardien de l’île de Penfret durant deux ans. À Trégunc, il rédige les deux premières éditions du Nouveau Cours de Navigation des Glénan, et enseigne à l’École des chefs de bases nautiques. Plus tard, vivant dans les Côtes d’Armor, il rédige des Instructions Nautiques pour le SHOM. Il revient à Douarnenez, où il collabore avec diverses revues, dont le Chasse-Marée, et publie Le Guet. Il finit par se retirer dans le Pays bigouden où il écrit différents récits (Fort Cigogne, Port du Salut, Ici Présent, Au Plus Près, La Place Royale…).

Il s’éteint en 2003 ; ses cendres sont dispersées en mer. Un cheminement atypique, riche et foisonnant.

Pierre Oppici

extrait de l’expo 2020 : Naufrages et Phares