Jean Arhan
Jean Arhan naît en 1931 ; à cette époque, la crise sardinière a conduit de nombreux pêcheurs et ouvrières de conserveries du Cap à s’expatrier vers le Sud. Les parents de Jean se sont installés au Pays basque avant la guerre. Il commence sa vie de marin à 14 ans, sur le chalutier Sainte Lucie, à Saint-Jean-de-Luz.
Jean apprend le métier de mousse sur le tas. Il est à la disposition de l’équipage, plus spécialement chargé des repas, des vivres et du poêle, et de la propreté du navire. Il participe aussi aux travaux de la pêche, filage et virage des apparaux, tri et stockage du poisson… Il apprend à observer les oiseaux, à comprendre les courants, à relever les amers et les feux. On sonde les fonds à la ligne, on s’éclaire au pétrole et les feux de navigation marchent au carbure. Les moteurs sont encore peu puissants. L’électricité ne s’invite, et avec elle, radio, sondeurs, frigos et radars, qu’après 1950. La propulsion est plus fiable et plus puissante.
L’appel du Cap se fait sentir : son père acquiert une pinasse de 14 mètres, l’Espérance, qu’il conduit à Poulgoazec en 1947. On pêche la sardine, l’été, avec les techniques apprises des Basques : le filet tournant, la bolinche. La sardine alimente les conserveries, poumon de l’économie. C’est une pêche saisonnière et aléatoire : parfois le poisson boude. Et si la pêche donne, les prix baissent ; dans le cas contraire, les revenus chutent.
Jean embarque au printemps sur le Lapart Bihen, avec des équipages de 30 hommes, pour le maquereau de dérive. Mais il faut aller loin au large. On pêche aussi la langouste, aux casiers, appâtés avec des grondins. L’équipage parle breton. Jean doit s’y adapter, comme à ce métier où tout se fait à bras.
Après le service national, en 1954, il s’essaie au commerce car les revenus sont réguliers, mais revient vers la pêche. Il se marie en 1955. Son bateau, le Jean-Claude, est construit en 1956. À lui de faire les bonnes levées pour amortir ses investissements et faire vivre les 8 à 15 hommes d’équipage. En 1958, Jean participe à la guerre de la bolinche, contre les Douarnenistes, adeptes du filet droit.
Après le regain d’après-guerre, les ressources sardinière et langoustière se sont appauvries. Alors, en 1965, Jean arme à la coquille en baie de Saint-Brieuc. Ce métier est plus rémunérateur, mais très saisonnier. Il doit compléter au casier, à la bolinche, au filet droit, en fonction des rendements et des saisons.
En novembre 1984, Jean prend sa retraite après 39 années de navigation dont 28 sur le Jean-Claude, qu’il accompagnera à Paimpol pour lui dire adieu. Il gardera un fort attachement au Pays basque, qu’il visitera annuellement. Mais il reste foncièrement breton.
Pierre Oppici
(extrait de l’exposition 2021 Cap Sizun, terre de marins)